mercredi 18 mars 2009

Etat – Peuple : dialogue de sourd ?

Sur le plan sociologique, la situation actuelle de la France est intéressante :

Ainsi, voici un président qui a réalisé de véritables travaux d’Hercule pour le pays, et que pratiquement personne ne reconnaît aujourd’hui à sa juste valeur, chacun se focalisant sur ce qui ne va pas, et c’est facile en temps de crise.

Ces travaux, personne ne les aurait crus réalisables en si peu de temps et sans une opposition insurmontable : l’alignement des régimes spéciaux de retraite sur ceux du privé (les gouvernements précédents s’y étaient tous cassé les dents), la relance de l’Europe, paralysée depuis le non Français, une action déterminante pour limiter les effets de la crise en France et en Europe, le soutien actif au redressement d’Alstom et la résistance à des licenciements de masse par des grands groupes étrangers (même si cela a peu réussi), la réduction progressive du nombre de fonctionnaires afin d’alléger le budget, la relance des économies d’énergie et du développement durable avec les Grenelles de l’environnement, etc, etc… Chaque jour apporte son lot d’actions nouvelles.

Aucun gouvernement par le passé n’a mené autant de réformes de fonds en si peu de temps. Aucun n’a été aussi actif…

Alors pourquoi ce mécontentement général et aussi peu de reconnaissance ?

Les opposants parlent de gouvernement de la parole, de discours sans suite… Ils n’ont pas tout à fait tort. L’Etat s’attaque à des réformes de fond dont les répercussions pratiques ne se font pas sentir directement ou même ne se feront sentir que dans des années.

La relance de l’Europe a permis par exemple une meilleure coordination dans la lutte contre la crise ou contre le crime, le soutien aux PME (22 Milliards de garantie de crédits…) reste invisible aux yeux du grand public même s’il préserve des emplois, la réforme des retraites assure l’avenir de nos enfants mais n’apporte rien aujourd’hui, le « paquet fiscal » a pour but d’éviter la poursuite de la fuite des plus riches —et de leurs fonds— hors de France, mais c’est une action à long terme, etc…

Face aux attentes concrètes de nos concitoyens, confrontés à de lourdes difficultés matérielles immédiates, on comprend que cette action apparaisse théorique et inefficace. Le contraste est grand entre l’immensité des actions « théoriques » menées et le peu de répercussions concrètes. Pensons par exemple aux milliards de prêts accordés aux banques alors que nos concitoyens n’ont besoin chacun que de quelques centaines d’euros… (mais 100 € mensuels accordés à chaque travailleur représentent 20 Milliards annuels…).

Il y a derrière tout cela un très grand manque de psychologie… Nous avons au pouvoir un groupe de responsables extrêmement travailleurs et compétents, et félicitons-en-les, mais ils semblent penser que la grande qualité de leurs travaux suffit pour leur attirer la sympathie des foules. Ce n’est malheureusement pas le cas. Il faut en sus bien communiquer et bien prendre les gens.

Quelles suggestions leur faire dans ce sens ? J’en vois quatre :

D'abord, accompagner les actions de fonds actuelles par des mesures vigoureuses de relance du pouvoir d’achat et de la consommation. Même si cela apparaît inadapté sur le plan économique, car ce seront les importations, et donc la Chine et autre pays à bas coût, qui en profiteront, cela atténuera le malaise très fort de la nation en ce moment. Et ce malaise risque de paralyser toute reprise, en multipliant les mouvements sociaux.

Investir dans le pouvoir d’achat immédiat serait donc des plus utiles pour créer l’ambiance indispensable au succès des autres mesures.

Un pays qui ne sent pas bien ne peut pas se redresser.

La seconde suggestion porte sur le rythme et la méthode des réformes : Celles-ci sont certes utiles et le quinquennat est court, mais les appliquer à marche forcée sans se préoccuper ou presque des conséquences concrètes sur le terrain est suicidaire. Si on ne veut pas multiplier les mécontentements légitimes, il faudrait mieux écouter les intéressés et travailler sur leurs difficultés pratiques, quitte à aller moins vite.

Pensons aux services de proximité supprimés (hôpitaux, tribunaux, régiments, bureaux de poste, commerces de centre ville…), au montant des frais médicaux restant à la charge des patients (dentisterie, lunettes…), à la hausse du carburant et des énergies, aux radars sur les routes qui conduisent à annuler des permis à des professionnels pour des excès de vitesse mineurs et sans dangers…

Le français de base cumule aujourd’hui un ensemble de menaces et de contraintes, qui sont toujours plus nombreuses et stressantes. Comment pourrait-il juger positif un gouvernement qui ne semble pas s’en soucier ?

Troisième suggestion, améliorer la communication : nos compatriotes comprennent mal l’économie, d’autant que celle-ci est aujourd’hui extrêmement complexe et qu’ils n’y ont pas été formés. Si on veut ne pas laisser le champs libre à tous les démagogues qui exploitent les rancœurs, il faut donc expliquer, expliquer, et encore expliquer, sans relâche… Il faut entretenir un dialogue étroit avec la base. Chaque homme politique impliqué doit considérer que c’est une mission prioritaire de son mandat.

Le défaut de communication entraîne l’incompréhension, l’incompréhension le malentendu, le malentendu le manque d’adhésion et de soutien, sinon l’opposition franche.

Enfin, dernière suggestion, éviter les provocations. Le pouvoir s’est spécialisé depuis le début dans une alternance de bonnes mesures et de discours provocateurs, qui ont immédiatement détruit l’effet positif des premières.

On se souvient de l’action énergique de l’automne 2005 pour parer à la révolte des banlieues, puis du fameux « karcher » qui éclipsé toute l’action menée, ensuite de l’élection quasi-triomphale du président, suivie immédiatement d’un séjour « bling-bling » sur le yacht d’un milliardaire, du « maintenant, quand il y a des grèves, les français ne s’en aperçoivent pas » qui a couronné la mise en place du service minimum…

Ce sont sans doute ces écarts de langage qui ont créé progressivement le climat de désamour que nous constatons aujourd’hui. Et c’est ce climat qui rend toute action du pouvoir suspicieuse et laisse la voie libre à toutes les attaques, justifiées ou non. Jamais aucun gouvernement de la république n’a été autant vilipendé…

Ce blog s’est souvent fait l’écho des maladresses, sinon des erreurs commises. Il ne se veut pas partisan et essaye de rester objectif. Notre intérêt à tous est que le gouvernement réussisse, qu’il soit de droite ou de gauche, selon le souhait des français.

Mais, pour cela, il faut que, quel qu’il soit, il nous écoute davantage et nous soigne bien…

LVPC

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L'auteur

Ces articles sont écrits par Christian DOUCET ccdt@cegetel.net