lundi 16 mars 2009

Entreprises : retour à la lutte des classes

On croyait le temps de la lutte des classes révolu, ce temps du capitalisme sauvage où salariés et patrons se battaient les uns contre les autres, les premiers accusant les seconds d’être des exploiteurs éhontés (et ils avaient souvent raison…).

Mais le résultat en était une neutralisation réciproque : les ouvriers bloquaient les usines, les dirigeants gouvernaient par la crainte et le contrôle. Les relations étaient fondées sur les rapports de force.

On avait eu l’impression que le monde industriel était devenu progressivement meilleur : la dictature du prolétariat avait disparu du vocabulaire après l’échec de l’URSS comme du Maoïsme. Le management s’était modernisé en devenant plus participatif, en recherchant l’amélioration du cadre de travail, et les avantages s’étaient multipliés : réduction progressive des horaires, comités d’entreprises richement dotés, participation…

Les dirigeants semblaient avoir compris que l'entreprise réussit d’autant mieux que son personnel est motivé et s’investit. Dans les usines, le dialogue social était devenu souvent étroit, le directeur et les cadres se rapprochaient davantage de chefs d’équipe que de cerbères dominateurs, les valeurs devenaient le vrai ciment des compagnies… Hervé SERYEX pouvait parler de « l'entreprise du troisième type » et Thomas Peters et Robert Waterman du « prix de l’excellence ».

Soyons persuadés que l’expansion économique et le progrès technologique majeurs de la fin du vingtième siècle, en dépit des différentes crises (chocs pétroliers, guerres, irruption des pays à bas coûts…), sont dus à ce recentrage de tous autour du seul projet de l'entreprise et de leurs intérêts communs.

C’était un temps où les personnels pouvaient aller au travail avec entrain, y compris le patron. L'entreprise retrouvait, outre une rentabilité optimale, son rôle social de fédératrice du travail, l’union faisant la force.

Hélas, nous avons vu la situation se dégrader progressivement :

D'abord les rachats et regroupements au sein d’ensembles gigantesques qui interdisaient le lien humain entre une direction et ses personnels, séparés par des milliers de kilomètres et des cultures différentes. Le salarié devient un simple numéro qu’on peut virer sans un regret. Le patron peut s’octroyer primes et stock-options démesurées sans revoir chaque nuit les têtes hostiles de ses employés.

Les 35 heures, en rétablissant les pointeuses là où la confiance avait fini par régner, chacun travaillant plus ou moins selon le besoin, et en surchargeant les cadres et les directions du travail que le personnel de base ne faisait plus, ont aussi durci les relations.

Chacun regagnait son coin, les ouvriers étant persuadés qu’en travaillant moins, c'est-à-dire en pénalisant l'entreprise, ils rendaient service à leurs collègues chômeurs.

Se sont rajoutés la spéculation internationale, les « hedge funds », les Jerome KERVIEL, les prêts malhonnêtes des subprimes américaines…, tous recherchant un profit immédiat maximal sans une pensée pour les victimes exploitées.

Aujourd’hui, nous atteignons le paroxysme de ce recul de l’esprit de responsabilité : les grands groupes profitent de la crise pour licencier en masse alors qu’ils font simultanément des profits mirifiques. Pas une considération pour les familles ainsi plongées dans des difficultés insurmontables. Pas de scrupules de la part d’actionnaires recevant des dividendes non négligeables.

L’honnêteté morale et les valeurs humaines deviennent choses rares dans le grand patronat, voire paraissent en voie de disparition.

Où allons-nous ?

Il y a fort à parier que, après cette agression caractérisée envers les salariés, ceux-ci se rebellent et multiplient les grèves et les obstacles : l’ampleur des manifestations pour le pouvoir d’achat et des protestations contre les licenciements en est déjà le signe.

A force de faire preuve d’un égoïsme et d’un manque d’humanité forcenés, nos spéculateurs et patrons voyous vont nous ramener tout droit à la lutte des classes. Dans sa tombe, Karl Marx doit se trémousser de plaisir !

La confiance dans les entreprises va être durablement atteinte. Notre pays ne les aime déjà pas beaucoup, méconnaissant que c’est à elles qu’il doit sa prospérité. Le présent ne peut que le renforcer dans cette erreur historique.

Fini l’esprit d’entreprise, disparu le souci de bien servir le client, aux gémonies le dévouement et la volonté de gagner sur le marché !

Et terminée aussi l’expansion économique. Seuls les pays qui sauront sauvegarder ce joyau que sont des entreprises dynamiques, performantes et humaines domineront demain l’économie, et donc la vie internationale.

Si nous voulons que nos enfants prospèrent, il nous faut revenir à la raison. Il nous faut impérativement réglementer davantage le comportement des fauteurs actuels et ne plus les laisser sévir impunément.

Inversement, devenons adultes en matière économique et industrielle. Reconnaissons l’importance primordiale des entreprises pour la prospérité de notre pays et pour notre propre confort.

Vilipendons et sanctionnons les patrons exploiteurs mais reconnaissons les mérites de ceux qui se consacrent honnêtement à leur métier de manager, sans abuser de leur position. C’est la grande majorité d’entre eux et leur tâche est actuellement extrêmement difficile et risquée.

Le retour aux égoïsmes catégoriels et à la rivalité entre classes sociales ne peuvent que nous conduire dans une impasse et une régression.

LVPC

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L'auteur

Ces articles sont écrits par Christian DOUCET ccdt@cegetel.net