Mise à jour du 30/05/09
L’Hôpital est aujourd’hui certainement un exemple de ce qu’il ne faut pas faire en matière de réforme et l’on pourrait sous-titrer celle-ci : comment apporter de fausses solutions à des problèmes réels.
Car quelle est la situation réelle ?
D'abord un manque criant d’effectif suite aux 35 heures et face à une demande croissante, des infirmières et des médecins surchargés de travail, dont la vie est devenue un vrai cauchemar, confrontés à trop de malades, à trop d’urgences et à trop de contraintes.
A cela se rajoute une multiplicité de dysfonctionnements : guerres des services au sein d’un même établissement, mandarinat des « grands » médecins qui confondent encore management et dictature, prise de pouvoir des administratifs, énormité des centres qui les rend ingouvernables, absences de complémentarité et rivalités entre établissements voisins, judiciarisation des erreurs de soin qui rajoute un stress supplémentaire…
Face à cela qu’ont été les reformes proposées ces dernières années ?
Leur principal défaut est certainement qu’elles ne se sont pas réellement (ou assez ?) préoccupées des « vrais » problèmes précédents, voire les ont aggravés en rajoutant des charges supplémentaires :
La tarification à l’acte (T2A) et la recherche de la rentabilité, associée à la nomination de directeurs administratifs non directement concernés par la qualité des soins (nommerait-on à la tête d’une cimenterie quelqu’un qui ne connaît pas le ciment ?) ouvrent la voie à négliger les soins de base, peu rentables. Cela ne peut que choquer des personnels qui dédient leur vie à ces soins.
Ensuite, une administratisation de plus en plus forte, que renforce une certification orientée vers la multiplication des procédures et des papiers, tandis que la crainte de procès conduit également à multiplier les précautions formelles. Au lieu de permettre aux infirmières de mieux remplir leurs missions en renforçant leurs effectifs, on les surcharge de documents à remplir.
Le dossier médical du patient, très utile en théorie mais très difficile à mettre en place en l’absence d‘une informatisation totale de l’établissement, rajoute lui-aussi une couche de formalisme.
La génération d’une ambiance générale de suspicion envers les soignants, en multipliant les indicateurs, les audits, les reportings, les enquêtes à la moindre défaillance, les procédures à respecter… ainsi que les articles de presse et les déclarations négatives, n’ont enfin rien arrangé…
Au total, les soignants ont l’impression, qui n’est pas fausse, que tout est fait aujourd’hui au détriment du soin et contre eux, et qu’ils sont les derniers remparts pour préserver un système de soin de qualité.
Qu’aurait-on dû faire ?
D'abord, beaucoup plus d’écoute des professionnels qui sont d’excellents niveaux et qui se donnent beaucoup de mal, avec une approche de terrain au lieu d’édits décrétés du haut des autorités administratives.
C’est le mal du siècle : pour les théoriciens, les problèmes sont toujours simples à résoudre. Il est vrai que seul un grand établissement peut avoir les moyens nécessaires : IRM, Scanners… Mais quid de la réalité humaine ? Quid des changements de résidence imposés aux personnels ? Quid des rivalités existantes entre les établissements à regrouper ? Quid du manque de compétences managériales des nouveaux directeurs, incapables de gérer correctement la masse humaine ainsi constituée ?
Il est vrai que le gaspillage est important dans les hôpitaux (comme d'ailleurs dans toutes les administrations) et qu’une gestion « analytique » est souhaitable. Mais pourquoi ne pas traiter les problèmes concrets posés par la T2A ? Pourquoi ne pas procéder plus progressivement à une réforme qui touche les tréfonds de la culture hospitalière : il faut désormais se préoccuper de facturation, de comptabilisation des dépenses… Les soignants ne le sont pas devenus pour cela. Travaillons avec eux et en adaptant les méthodes aux réalités et aux vrais besoins.
Il est bon que toutes les informations sur le patient soient regroupées, mais ne doit-on pas tenir compte d'abord de la surcharge des infirmières avant de leur imposer de nouvelles tâches ? Ne devrait-on alors pas commencer par informatiser correctement (mais l’investissement est très lourd …), afin que ce dossier de soient pas un pensum rempli au détriment des malades ?
Suggérons (mais nous ne serons bien sûr pas entendu) quelques réorientations :
D'abord, redonner la prédominance aux soignants sur les administratifs, en nommant des directeurs médecins, choisis pour leur aptitude au management des hommes et bien formés à celui-ci.
Maintenir de petits établissements à taille humaine en les spécialisant.
Revoir les budgets en fonction des besoins et en agissant pour réduire le coût exorbitant des nouveaux médicaments et des nouveaux appareils. On peut penser notamment à diminuer la lourdeur (encore administrative !) des différentes formalités à remplir pour les agréments, qui grèvent fortement les budgets de développement. On peut aussi développer la concurrence…
Se préoccuper des dysfonctionnements journaliers grâce à des démarches qualité de terrain réelles, qui renforcent le travail d’équipe et la motivation des personnels, en détruisant les chapelles.
Faire confiance aux professionnels et les protéger contre les poursuites : l’homme n’est malheureusement pas infaillible et il nous faut accepter la perspective d’erreurs médicales, tout en faisant la chasse aux mauvais professionnels (insanctionnables aujourd’hui…).
En un mot, revenons au bon sens et au terrain…
LVPC
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