mercredi 5 août 2009

Les clefs de la voiture !

Suite des mésaventures courantes d'un français moyen.
Texte écrit en 2007

Avez-vous un chien ? Si oui, vous connaissez les joies d’une affection sans réserve, d’un accueil toujours frétillant, d’une gentillesse inconditionnelle. Mais aussi celles des ballades quotidiennes, que l’on ne ferait pas sans cela, et qui nous permettent de redécouvrir la nature, voire de se redécouvrir soi-même.

Après le départ de nos grands enfants tel l’envol des oisillons hors du nid, la maison nous paraissant soudain très vide, j’ai décidé d’avoir un chien. Direction donc Internet afin d’acheter un guide sur la conduite à tenir vis-à-vis de la bête, d’accumuler le maximum d’informations et de consulter l’offre.

Finalement nous avons décidé d’apporter le bonheur à une chienne recueillie par la SPA, un croisement très élégant entre un labrador noir et un dalmatien, que nous avons appelé derechef et de façon très originale « Belle ».

Disons tout de suite que nous n’avons rien regretté. Belle nous donne toute les joies du monde. Caline, obéïssante, dynamique, c’est une copine de tous les instants. Tous ceux qui ont eu un chien vous diront combien on s’y attache.

Tout ceci pour revenir à ce Vendredi de Mars où je partais promener l’animal. Notre pavillon se trouve en pleine zone citadine, avec pour tous promenoirs les trottoirs souvent jonchés d’excréments canins et de débris de verre. De plus, les véhicules frôlent à toute vitesse les piétons qui ont la folie de s’y aventurer, une promenade est alors aussi paisible que la ronde d’un peloton de GI dans les ruelles de Bagdad.

J’ai donc pris l’habitude d’emmener la bête en voiture jusqu’aux divers espaces boisés des environs, où elle et son maître peuvent alors s’ébattre en liberté sans crainte. Belle monte donc dans le coffre de notre voiture. Je me penche pour lui mettre sa ceinture de sécurité, en l’occurrence une chaîne fixée à un anneau, sans lequel elle serait rapidement sur mes genoux.

Je referme le coffre sans m’apercevoir que, en me penchant, la clef a subrepticement glissé de la poche de poitrine où je l’avais soigneusement rangée, et est tombée. Et c’est là que le drame se noue…

Il faut vous dire que notre voiture est une voiture d’occasion récemment achetée et seule une clef nous a été fournie avec la voiture. Nous aurions naturellement dû en demander une autre auprès du garage (car ces clefs à « bips » contiennent un microprocesseur qui interdit toute reproduction par un néophyte) mais, que celui qui n’a jamais oublié une action essentielle —comme d’acheter des petits pains au chocolat pour le petit déj du lendemain matin ou de tuer sa belle mère— nous jette la première pierre, nous ne l’avons pas fait…

Nous voilà donc avec Belle à l’intérieur de la voiture fermée aussi hermétiquement qu’une huitre attaquée par un bigorneau perceur, et sans possibilité de libérer notre pauvre animal, tandis qu’un soleil ardent (le mois de Mars de cette année avait été caniculaire) promet de porter sous peu à ébullition le contenu du véhicule. Panique à bord !

Armé d’un fil de fer passé par le léger interstice qui subsiste entre la glace des portières et la carrosserie, j’essaye d’actionner la commande manuelle d’ouverture à l’intérieur, comme j’ai vu les voleurs le faire au cinéma. Les voisins se joignent à moi mais, malgré tous nos efforts réunis, rien ! J’ai toujours été envieux des malfrats des films qui ouvrent votre porte de sécurité avec un cure-dent, pénètrent dans votre voiture et la mettent en marche en joignant simplement deux fils… Ils doivent avoir un truc…

Aujourd’hui j’ai donc l’impression d’être une cruche. Et cette impression va se confirmer très vite. En effet, au bout de deux heures d’efforts et alors que je commence à me résigner à retrouver ma chienne sous la forme d’une carcasse rôtie (d’où le nom des hot-dogs), un de nos garagistes habituels (nous partageons tout avec les voisins) vient à passer par là par hasard. Nous lui expliquons notre galère. Il sort un outillage essentiellement constitué de petites barres très fines de son coffre et nous ouvre l’habitacle en moins de deux. Impressionnant ! Dans ces cas-là, on salue l’artiste ! Mais, ouf ! Belle est sauvée ! Cela vaut bien le pourboire astronomique que je verse à notre sauveur sous le choc de l’émotion. J’espère qu’il aime les chiens !

Donc, le lendemain, je joins le vendeur de notre petite auto et m’étonne de n’avoir qu’une clef. Ce dernier m’explique que, pour les véhicules d’occasion, il peut n’y en avoir qu’une (je saurai plus tard que c’est faux), et qu’il me reste à en acheter une seconde. Aussitôt dit, aussitôt fait. Je vais au magasin du garage et commande ma clef. Un vendeur charmant (pourquoi les vendeurs sont-ils toujours aussi charmants ?) me promet que la clef sera prête rapidement et il me rappellera pour me prévenir. L’affaire est dans le sac ! Napoléon devait se dire la même chose avant Waterloo et Blüsher.


2 mois passent. M’étant mis imprudemment dans l’esprit que le garage ferait signe, je n’y pense plus. Soudain, ma femme me le rappelle. Je téléphone illico au garage. La clef est arrivée ! Je cours, je vole !

Hélas, sur place, il apparaît que la clef n’est pas la bonne. C’est une simple clef sans le « clip » qui permet l’ouverture à distance. Or j’aime bien ce gadget. Il permet aussi de retrouver facilement sa voiture sur un parking plein. Qui n’a pas déjà passé des heures à chercher sa voiture au sein d’une multitude de véhicules « ennemis » ?

Je passe donc une nouvelle commande. Nous sommes en Mai. Un autre vendeur, tout aussi charmant que le premier, m’assure que tout sera réglé sous peu. Pour que je ne m’inquiète pas, il m’indique qu’il me téléphonera dès réception de l’objet du délit.

Je n’ai jamais su résister au charme. Rassuré, je vaque à mes affaires habituelles pendant encore deux mois. Juillet arrive et nous nous préparons aux vacances. En récapitulant nos besoins, soudain un éclair nous frappe : et la clef !

Retéléphone au garage, cette fois-ci un peu énervé. Mon interlocuteur me calme. Il recherche la commande sur sa console. J’ai le double et peux donc lui donner les références précises. Pas trace ! Le vendeur charmant qui l’avait passée n’existe plus. Il a quitté l’entreprise. Peut-être a-t-il emporté la commande avec lui ! Mais le nouveau vendeur (le troisième déjà, ils ont les moyens dans ce garage !) me promet que ce n’est qu’une question de jours. Il me téléphone dès que c’est prêt !

Et là un premier miracle se produit. Deux jours plus tard un coup de téléphone de la secrétaire. Elle commence la conversation en me disant : « ne criez pas ! Je ne supporte pas les engueulades ! » Je me calme en me disant que, quelque part, c’est une fille qui n’y est pour rien. Je me dis aussi que, la crainte de l’engueulade étant le début de la sagesse, nous progressons.

En continuant donc avec douceur, j’apprends que la clef est bien là mais non la télécommande, car il faut les deux, et le vendeur précédent n’a passé la commande que pour la première ! Pourtant, il a pris tous les renseignements pour cela, car elle me redemande les mêmes. Mystère ! Dans ce garage, l’information s’évapore ! Heureusement qu’ils sont nombreux. Je vais bientôt connaître toute l’équipe ! Peut-être que c’était cela le but caché. Ils ne font pas de la vente mais du relationnel. Peut-être sont-ce aussi des tests d’usure psychologique et que je suis sans le savoir le cobaye d’un programme de l’INSERM ?

Mais, en poursuivant notre conversation qui reste aussi calme qu’un trimaran au cœur de l’anticyclone des Açores, cette (vraiment) charmante dame m’apprend aussi que le coût total sera à la hauteur du délai pris depuis ma première demande, soit maintenant 5 mois, c’est-à-dire astronomique. Ah ! On ne m’avait pas dit ça ! Mon interlocutrice pressent que le calme actuel devient celui qui précède les cyclones sous les tropiques et prend tout de suite les devants : « ne criez pas ! » Et ajoute-t-elle : « c’est bien une voiture d’occasion ? ». Je confirme. La voiture est récente mais elle est bien. Alors me dit-elle sans vergogne, « vous auriez du avoir deux clefs. C’est le vendeur occasion qui devrait payer la clef ! ».

J’étais assis, heureusement. Je juge inutile de faire remarquer à cette dame dont je ne connais que la voix mais qui doit être ravissante, que j’ai commencé par cela. Très calmement, je susurre : « vous pouvez voir avec lui ? ». Peut-être qu’ils arriveront à se mettre d’accord entre eux si je ne m’en mêle pas. Un silence suit. Elle reprend « il est en congés jusqu’à la fin Août ! ». Tilt ! Nous n’aurons pas notre clef pour les vacances !

Et bien, nous avons fini par avoir notre clef, après 6 mois d’attente.

Cette aventure est totalement véridique, dans le moindre détail. Elle continue de montrer le monde kafkaïen dans lequel nous vivons. Ce garage n’est certainement pas pire que les autres, et sans doute mon cas a-t-il été exceptionnel. Mais comme ce genre de mésaventure arrive de plus en plus fréquemment, on peut se demander si l’exceptionnel ne devient pas la règle…

Peut-être est-ce le bon Dieu qui veut nous tester. Peut-être que tous ces gens qui s’évertuent à nous empoisonner la vie sont en réalité des saints qui nous ouvrent la voie du paradis, épreuve après épreuve. Alors tous les espoirs nous sont permis.

Mais, Brrr ! Leur paradis administratif, je ne sais pas si cela me tente…

LVPC

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L'auteur

Ces articles sont écrits par Christian DOUCET ccdt@cegetel.net