mercredi 5 août 2009

Quand les transports aériens sortiront-ils de la préhistoire ?

En cette période de vacances, suite des mésaventures courantes d'un français moyen.

(texte écrit en 2007)

Alors que les voyages en train ressemblent de plus en plus à des voyages de rêve (je dis bien en dehors des grèves…) : les trains partent à l’heure, on peut s’installer dès arrivé, le confort est très correct, la rapidité des TGV remarquable, les horaires généralement scrupuleusement respectés, les expéditions (je dis bien « expéditions ») en avion s’apparentent encore à des cauchemars :

Il faut déjà souvent de 1 h à 1 h 30 pour atteindre l’aéroport de départ, situé loin de la ville et éloigné de tout moyen de transports collectifs, avec des parkings dont le prix est au niveau du caviar Beluga, ce qui interdit à toute personne ne payant pas l’impôt sur la fortune d’emprunter sa voiture, alors que les gares sont toutes proches et facilement accessibles par métro ou bus.

Ensuite, lorsque vous avez eu la chance de dégoter un chariot sans devoir traverser tout l’aéroport, trois attentes successives : d’abord pour récupérer les billets d’avion auprès du stand de l’agence à partir du mail reçu l’avant-veille et affecté du doux nom de « voucher ».

Là, une seule préposée essaie de survivre face à une meute de vacanciers bardés de valises, s’égrenant au long d’une file de plus de 20 mètres qui barre résolument le passage aux milliers de voyageurs courant dans tous les sens, tels des fourmis dans une fourmilière attaquée par des tamanoirs.

Ensuite pour enregistrer les bagages, les hommes ont inventé astucieusement les files en zig-zag. En arrivant, vous êtes ravi de ne pas être loin du but, voyant à portée de main les stands tant désirés où vous pourrez vous débarrasser de vos valises, mettant alors déjà un pied dans vos vacances.

Mais c’est sans compter avec ces files sinuantes qui transforment 10 mètres à vol d’oiseau en 100 mètres de queue et 3/4 d’heure d’énervement. De plus, par un malicieux hasard, la file qui jouxte la vôtre avance plus vite, la préposée que vous visez semblant avoir son ordinateur en panne ou bien ayant mal dormi la veille et ressentant un impérieux besoin d’effectuer le plus lentement possible l’examen minutieux des billets.

Vous finissez quand même par arriver au « stand » (pourquoi ce nom, s’agit-il vraiment d’une foire ?) d’embarquement, en veillant à aborder poliment l’intéressée, devinant avec raison que si vous l’énervez par quelques remontrances, celle-ci sera encore plus lente. Après qu’elle ait vérifiée que c’est bien vous (pourquoi sinon vous demander votre passeport ?), voilà vos bagages partis !

Vous avez bien une petite inquiétude, nées de vos expériences passées, que vos affaires de vacance n’aboutissent à Pékin au lieu de Bangkok, dans l’avion qui part au même moment que le vôtre et dont les stands sont voisins. Mais il faut être positif ! Vous foncez vers la porte des départs. Vous savez qu’il vous reste encore 2 heures à tirer, mais vous espérez en profiter pour faire quelques achats hors taxes ou bien rattraper un peu du sommeil gâché par votre réveil aux aurores.

Et c’est là que tout se complique : un embouteillage comme les aime bison futé vous attend pour passer la police. Après cette nouvelle attente, il vous faut d'abord vous dévêtir, y compris chaussures, clefs, stylos et autres objets contondants, afin de passer dans un portique. Vous avez alors une chance sur deux pour que votre montre déclenche la sonnerie redoutée et vous fasse illico fouiller au corps.

Vous supportez aussi philosophiquement le déballage de vos bagages de cabine pour vérifier que vous ne transportez par le moindre flacon de liquide, en pensant que, si vous étiez réellement un terroriste, connaissant les contrôles réalisés, vous trouveriez bien le moyen de les contourner…

Ouf ! Vous voici prêt au départ ! Vous sentez déjà l’odeur des palmiers et le doux souffle des alizés.

Vous visitez les boutiques hors taxes, consultant les prix des apéritifs et autres parfums. Vous n’allez toutefois pas vous charger inutilement. Vous achèterez au retour.

Vous vous dirigez gaillardement donc vers la porte d’embarquement, prêt à profiter de l’heure qui vous sépare de l’envol pour faire un petit somme. Mais c’est oublier que votre avion comporte 450 passagers, qui s’agglutinent déjà sur les sièges.

Dans le brouhaha et l’agitation bien compréhensible des vacanciers frustrés, vous vous installez sagement. Le siège n’est pas vraiment confortable pour une attente d’une heure, mais les compagnies n’ont sans doute pas pu faire mieux. Faute de dormir, vous essayez de lire la revue que vous venez d’acheter, mais le cœur n’y est pas. Quand va-t-on pouvoir s’installer définitivement dans l’avion et prendre ses aises ?

Vous vous efforcez aussi de ne pas penser à la torture qu’ont vécu à ce stade certains de vos amis : le « surbooking », nom par lequel on désigne l’aimable pratique qui consiste à vendre plus de billets que l’avion ne peut accueillir de passagers et qui a sans nul doute été inventée par un sadique. Apprendre au dernier moment, après avoir enduré toutes les affres précédentes, qu’on ne part plus ! Non, cela ne nous arrivera pas ! Courage !

Enfin, l’heure de l’embarquement arrive. Un frémissement parcourt la salle. Certains se lèvent déjà et se placent près de la porte. Les hôtesses s’affairent après des machines à composter. Pourtant l’heure passe. 10 mn, 15 mn, ½ heure de retard. Toujours rien ! Et aucune explication !

Pour m’occuper, je me lève et vais à la recherche d’informations auprès des hôtesses : « L’avion est en retard » m’indique-t-on simplement, façon M. de La Palisse. La cause doit être secret défense. Mais que celui qui a vu un avion partir à l’heure se lève ! Personnellement, de mémoire de relativement grand voyageur, je ne crois pas que cette énormité me soit arrivée sur les longs courriers. Il doit y avoir un décalage horaire dont on ne parle pas entre ces avions et la terre.

Après ¾ h d’attente énervée, le soulagement arrive. Le top de départ est donné. Le passage à la porte se fait tant bien que mal à la queue leu leu mais de nouveaux bouchons se forment aussitôt en aval.

En effet, nos managers n’ont pas pensé à échelonner les passages en fonction du rang des places. Aussi ceux qui ont des sièges avant bloquent ceux qui sont derrière. Je me dis aussi que quelque obstacle inconnu doit empêcher d’utiliser toutes les portes de l’appareil, ce qui accélérerait les entrées. Peut-être même que ces portes sont factices…

Quel bonheur enfin de parvenir dans la carlingue ! J’essaie tant bien que mal de ranger ma mallette dans les casiers du haut surchargés et m’affale dans le fauteuil. C’est parti pour 10 h de calme et de volupté, servi par de charmantes hôtesses aux petits soins.

Ce devrait être cela. Mais ça ne l’est pas… Je pense que les concepteurs de l’aménagement des cabines et les éleveurs de poulets en batterie doivent être du même club : Comment arriver à passer 10 h engoncé dans un siège trop étroit, les genoux coincés par le siège de devant et les coudes écrasés contre les accoudoirs afin de ne pas gêner le voisin ? Je commence à mieux comprendre le drame des poulets.

Lorsque je compare la qualité des repas, bons mais ne rivalisant pas avec un menu à 15 € dans un petit restaurant, au prix du billet, je me dis que quelqu’un doit faire un gros bénéfice. Les écouteurs fonctionnant mal et l’écran étant peu lisible sans des jumelles de précision, je me résigne à essayer de dormir, malgré les cris et les coups de genou dans le dos des enfants qui occupent les places de derrière. Je pense aussi que le froid picardien (Par référence à la société PICARD, bienfaitrice de nos congélateurs) de la cabine est pour notre bien, car c’est connu : le froid conserve.

Ah, l’atterrissage ! Cela va faire du bien de se détendre les jambes. Au passage, je n’ai jamais compris les applaudissements qui fêtent les atterrissages, plus d’un siècle après Clément ADER. Sommes-nous toujours aussi inquiets de leur réussite ?

L’avion roule interminablement sur la piste. Puis c’est la délivrance, la sortie à l’air libre, dans un air tiède et parfumé. C’est la fin de l’après-midi. La chambre princière nous attend, avec un bouquet d’orchidées.

Je me presse, mais déchante rapidement. Certainement que l’avion n’était pas prévu. Au contrôle de police, deux fonctionnaires fatigués font face aux 450 touristes. En plus on a dû leur demander d’être particulièrement pointilleux. Là aussi, comme par hasard, la file de gauche, dans laquelle je ne suis pas, avance plus vite (c’est un phénomène systématique, que l’on constate aussi dans les embouteillages).

J’arrive enfin auprès de « mon » fonctionnaire. Il lit consciencieusement nos fiches (pourtant complètement illisibles car je les ai remplies à la hâte en équilibre instable sur ma malette) et nos passeports. Les fiches rejoignent la pile impressionnante des autres fiches (je me demande toujours à quoi servent toutes ces fiches, car elles ne sont sans doute honnêtement remplies que par ceux qui n’ont rien à se reprocher…). Quelques coups de tampon et hop, en route pour les bagages et le bonheur !

Mais l’hôtel ressemble de plus en plus à ces mirages, qui s’éloignent au fur et à mesure qu’on s’en rapproche. Malgré le temps passé à la police, les bagages ne sont pas encore là. Le système de cet aéroport ne doit sans doute pas prévoir que les passagers en aient besoin aussitôt arrivés. Peut-être est-ce pour qu’ils aient le temps de visiter la ville voisine et de revenir.

Je me précipite pour réserver un chariot. Enfin, les bagages sont chargés, il n’y a pas de formalités de douane visibles hormis un écriteau qui nous informe de faire une déclaration volontaire le cas échéant.

Et c’est l’accueil du public enthousiaste, en l’occurrence les représentants des différentes agences qui essaient de regrouper leurs ouailles autour de grands panneaux qu’ils agitent au-dessus de leur tête. Sommes-nous tous là ? Presque. Il manque deux personnes, que nous nous résignons à attendre, alors qu’autour de nous les autres groupes partent vers leurs autocars. Mais ce n’est pas grave, nous voilà arrivés ! Ce n’est plus qu’une question de minutes.

Une fois le groupe réuni, nous fonçons vers le car mais une dernière difficulté imprévue survient. Il nous faut laisser les chariots dans l’enceinte de l’aéroport, alors que le car, si je comprends bien, est à plusieurs centaines de mètres. Une armée de porteurs nous submerge. J’en choisis un qui a une bonne tête et lui confie nos quatre valises.

Voilà. Nous sommes ensuite arrivés à l’hôtel sans plus d’encombres. Nous avons toutefois eu besoin d’une bonne journée de repos complet pour nous remettre de ce voyage « ordinaire » en avion.

Mais, vive le train ! J’ai aussi connu l’époque des trains inconfortables, qui n’arrivaient jamais à l’heure. Mais le ferroviaire a su changer. Quand verrons-nous des avions respectant scrupuleusement leurs horaires ? Quand sera-t-il possible d’éviter ces attentes interminables au départ et à l’arrivée ? Quand pourra-t-on passer un vol sans crampes et sans ennui ? Quand n’applaudirons-nous plus les pilotes qui réussissent leurs atterrissages ?

Il serait temps que les compagnies aériennes sortent de la préhistoire du confort et de la qualité. Certes, elles ont beau jeu de répondre que les « problèmes » ne sont pas de leur fait mais des aéroports et des administrations. Mais, vu des clients, ces derniers sont leurs prestataires. Quel industriel pourrait se contenter de dire que ses problèmes de livraison proviennent de ses distributeurs ou des contrôles administratifs ? Il ne vendrait tout simplement plus.

Quand les transports aériens prendront-ils en charge toutes les étapes qui jalonnent le calvaire de leurs clients ? Quand vont-ils faire leur « révolution qualité » ?
LVPC
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L'auteur

Ces articles sont écrits par Christian DOUCET ccdt@cegetel.net