Texte écrit fin Août 2007
Regardez-vous parfois les informations à la télé ? Ecoutez-vous quelque fois la radio ? Vous arrive-t-il de lire le journal ? Alors vous êtes sans doute comme moi : vous avez l’impression que tout va mal. Bombes ininterrompues en Irak, crise de la bourse, PIB français en berne, et pour la meteo, la pluie et le froid en plein été.
Sans compter le pétrole qui s’épuise, la forêt amazonienne qui disparaît, la banquise qui fond, la couche d’ozone qui se désagrège… On se croirait dans la chanson de Bernard SCOTTO : J'ai la rate Qui s'dilate, J'ai le foie Qu'est pas droit…
C’est fou ce qu’on s’évertue à nous remonter le moral. Toute la misère du monde nous tombe dessus chaque matin au moment de la toilette (si comme moi vous écoutez la radio à ce moment-là)…
Et puis, j’ai du mal à suivre : un raz de marée épouvantable détruit une bonne partie de l’Asie du sud-est. Pendant quinze jours on ne parle que de ça. Puis silence radio complet. Sans doute que tout est arrangé... Les journalistes ont donc raison de nous rappeler alors la famine au DARFOUR avec ses millions de morts (vous avez remarqué vous aussi qu’ils parlent tous du même sujet en même temps : quelle belle coordination !). Cela dure quelques jours, le temps de voir un de nos ministres résoudre le problème. Puis c’est un tremblement de terre meurtrier pendant quatre jours, avant de passer à autre chose…
C’est bien la télé ! On est au courant de toutes les catastrophes ! A croire que celles-ci se programment spécialement pour TF1, afin que le JT ne soit pas en panne !
Mais ce qui est remarquable, c’est que les problèmes les plus graves se résolvent les uns après les autres par une sorte de magie télévisuelle. Du moins on peut l’espérer puisque, ensuite, on n’en parle plus pendant des mois. Si ces désastres n’étaient pas soldés, il est certain que les journalistes, sérieux comme ils sont, nous en parleraient régulièrement tant que la situation ne s’est pas rétablie. Pourquoi sinon, en effet, tant chercher à nous impressionner au début par des images chocs et une répétition qui tourne à l’obsession, si ce n’est pour nous mobiliser à aider les malheureux ? A moins que ce ne soit pour flatter nos instincts sadiques, pour montrer simplement ces souffrances ? Le marquis de Sade faisait moins bien dans le genre.
Non, en réalité, tout ce tapage médiatique est réalisé pour recueillir les idées de nos concitoyens. Et cela marche à merveille ! A chaque fois, les solutions fusent des auditeurs. Ainsi, ces derniers jours, un pédophile venant sortir de prison n’a pas été placé immédiatement sous contrôle, faute de moyens de la Justice, et en a profité pour violer aussitôt un petit garçon. Instantanément, la sagesse populaire a exigé que tous les psychopathes soient enfermés à vie.
Il est vrai qu’il n’est pas tout à fait normal que les enfants se fassent violenter au coin des rues, et c’est tout à fait sympathique que l’opinion publique se mobilise ainsi. L’enfermement à vie devrait certainement résoudre le problème. Il faudra toutefois des centres d’accueil (on disait des asiles de mon temps), et donc des communes et des riverains qui acceptent cette cohabitation, génératrice de troubles et de baisse des prix immobiliers. Ainsi, si nos chers concitoyens veulent à tout prix de telles installations, c’est bien sûr chez les autres, le plus loin possible de chez eux. Pas de problème pour trouver un tel emplacement !
Pourquoi aussi ne pas étendre cette logique à tous ceux que nous aimerions bien voir éliminés, les trafiquants de drogue, les escrocs en tout genre, les meurtriers, les voleurs et autres hold-upers, les brûleurs de voiture le week-end, les grévistes qui paralysent les transports les jours de travail…, sans oublier notre voisin de palier qui fait trop de bruit… La France se transformerait alors en immense prison…
Vous me direz que cela permettrait déjà de mieux circuler en voiture. Encore faut-il que nous ne soyons pas dans le lot, dénoncés par quelque fâcheux que nous n’aurions pas salué en allant promener le chien !
En fait, tous ces problèmes télévisuels se résolvent (ou non…) sans qu’on s’en occupe réellement, en dehors des acteurs directs, qu’on laisse tranquillement se dépatouiller tous seuls. Je suis toujours frappé par ce contraste entre le bon sens dont fait preuve chaque homme et chaque femme dans sa vie de tous les jours et le manque de responsabilité que nous montrons au niveau collectif. Ainsi, nos concitoyens peuvent-ils très bien être d’un pragmatisme absolu pour choisir l’école de leur fille ou lorsqu’ils vont acheter leurs légumes au marché, en essayant de penser à tout, alors qu’ils raisonnent si peu —ou si mal— dès qu’il s’agit de questions qui ne les concernent pas immédiatement et directement. On les comprend car ils ont déjà tellement de mal avec leurs propres affaires ! Mais en se cachant la tête dans le sable, l’autruche laisse sans défense la plus partie la plus charnue de sa personne ! Gare aux coups de pieds dans les fesses !
Les hommes politiques y mettent aussi du leur en caressant toujours dans le sens du poil leurs supposés électeurs. Envisage-t-on d’enfermer les pédophiles à vie comme on l’a vu ? Excellente mesure pour les fans du parti au pouvoir, mais défaut déplorable de réflexion et mesure inadaptée pour les opposants. Suite à un accident grave, le Ministre réagit-il rapidement ? C’est de la précipitation et de la démagogie pour la presse. Prend-t-il un peu de temps ? Il s’en fout ! Ne fait-il rien ? Il ne fait jamais rien ! Le débat politique donne parfois l’impression de ces cours d’écoles primaires où toute la joie de nos enfants consiste à se chamailler par principe, rien que pour s’affirmer. Quels grands enfants que nos élus ! Ils sont si attendrissants, ces petits !
Ce serait vraiment moins drôle si, dans le cas de tous ces désastres annoncés, des experts prenaient le temps d’instruire complètement les dossiers avec les solutions à adopter et leurs répercussions, en visant le bien collectif sans idéologie et en toute transparence.
Ce serait complètement triste si les journalistes et nos mandants prenaient au sérieux ces questions et en assuraient un suivi effectif jusqu’à résolution.
Ce serait enfin d’un ridicule absolu si le français moyen se sentait partie prenante, examinait posément et sérieusement la question, puis acceptait d’ouvrir son portefeuille si nécessaire (par exemple pour renforcer les moyens de la Justice).
Heureusement que cela n’a aucune chance de se réaliser.
Théâtre d’ombre pour des ombres, la télévision a bien raison de continuer à faire défiler des images terrifiantes, à la manière de la caverne de Platon, dont les habitants enchaînés ne voyaient du monde que des silhouettes en trompe l’œil, sans pouvoir intervenir.
Elle a aussi raison de ne parler que de ce qui va mal. Comme le dit la blague citant une affichette supposée placée gare de l’est : « nous informons les honorables passagers que les trains prévus pour Strasbourg demain entre 14 h 15 et 15 h 07 partiront exceptionnellement à l’heure ».
On ne parle que des trains qui déraillent. Prenons garde que nous ne déraillions pas nous aussi !
LVPC
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